jeudi 30 décembre 2010

(suite 4)

T’sais, mon gars, dans ’vie, i’ faut que tu CROIES en quelque chose. Ça, c’est très, très, très important; c’est même peut-être – p’is même pas peut-être, C’EST, je dirais – la chose la PLUS importante, à la base de toute. Toute. Tu PEUX PAS te tenir solide dans ’vie si tu crois en RIEN. C’est comme ça. Ça peut être N’IMPORTE QUOI, ça a pas besoin d’être Dieu ou quoi que ce soit de religieux; moi, j’peux te dire, j’ai ma Bible sur ma p’tite table de chevet, j’en lis un p’tit peu avant de m’endormir, le soir, p’is ça m’aide, mais c’est pas obligé; mais POURVU que tu croies en QUELQUE CHOSE.



Super bonne idée de toune, aujourd’hui. Super groovy; tempo moyen – je dirais, à peu près, 80 bpm, avec une mélodie écœurante, longue de ligne, ça fait très peu répétitif, et j’ai des harmonies très riches en tête. Je l’ai toute en mémoire, structurée solide… sauf la fin : pas encore trouvé la résolution, mais ça vient.

M’est venue d’un coup, le refrain qui commence, et la suite; j’ai eu juste à travailler la structure, dans ma tête, comme je fais d’habitude, mais celle-là c’est vraiment dans le meilleur de tout ce que j’ai pu imaginer. Une instrumentale – je suis rentré dans une passe instrumentale, faut croire. Ma dernière l’était aussi. « Curing Everybody’s Cold Feet ». Une pas pire, en plus. Celle-là, ma nouvelle, le titre, c’est « In Peace with Myself ». – En accord, un peu, avec comment je me sens, je sais pas, on dirait, en général, en tout cas comparé à tout mon passé depuis un bout de temps; comme une tendance à l’amélioration, en tout cas. Et un souhait en même temps, un souhait.



Je m’en vais sur le Plateau me coker. J’apporte dans mes bagages ma carte de guichet, mes lunettes noires, que je porte pour pédaler, mes cigarettes, un briquet, quelques stylos et mon cahier à reliure spirale pour écrire, une copie du Voir où je déchire les carrés de papier que je roule pour sniffer – je fais mes lignes avec ma carte Desjardins – et des Aspirin. Je prends une Aspirin par jour, moitié le matin, moitié le soir, en général, et on sait jamais en cas de malaise, parce que je sais que je fais de la haute pression chronique à cause de l’alcool et de la coke et j’ai peur des caillots de sang coagulé qui peuvent se former dans mes jambes et menacer de bloquer une artériole quelque part, me donner un infarctus, ou un AVC; les attaques que j’ai eues – deux fois, à trois semaines d’intervalle environ, il y a un mois environ, je dirais – j’étais sûr que c’était un infarctus les deux fois, surtout la première fois, grave avec nécrose de bouts de myocarde, mais ça peut très bien n’avoir été en réalité que des attaques de panique, des crises d’angoisse. Ma vie, c’est rendu, est comme rythmée par un vrai cocktail de médicaments, et c’est moi-même qui me fais toutes les prescriptions. Je descends tout droit au sud.

En vélo, dans le temps de le dire, je suis là. Le plus long, c’est d’attendre après avoir parlé au gars.



En vélo, je suis partout, et je joue ma vie pour gagner le silence, et je possède, chaque fois vérifie que c’est en moi, et ça ne peut pas se perdre. Je domine et j’interfère : je dispose. Les pistes cyclables en ville c’est le signe que l’Homme a perdu tout esprit, encore un dispositif de marde, un semblant de but en lequel croire, avec des codes qu’on assimile; moi, je suis brut, je défie chaque automobiliste, je vais te mettre tes pieds dans ton cul et tourner ton char à l’envers dans le fossé. D’abord, je vais où je veux et à ma vitesse, trop vite, la seule manière supportable, et les pistes cyclables obligent à faire des détours, ma piste cyclable à moi va partout mais le pire c’est l’idiotie rampante et vache d’un faux décor, avec signalisation miniature, qui fait tout le monde penser, à vélo ou motorisé, conditionné, accéléré, étouffé, diverti, que tout est sous meilleur contrôle ainsi et par là plus sécuritaire, ce qui est l’erreur, tout le monde s’accusera les uns les autres mais insiste et c’est un droit que d’être distrait, moi,

je roule dans la rue, et si les autos traînent je les dépasse, je roule avec un supplément de bravade quand il y a une piste cyclable, je suis dans la rue et je ne sue jamais autant le mépris, d’habitude je module mes accents intérieurs à l’infini par prévenance ou peur ou empathie, à l’écoute je me conduis tenant compte de tout ce que je comprends qu’on me dit, mais quand c’est mes roues, mon contact au sol, mes mains serrées sur ce qui fulmine de ma puissance, minéral, contondant, froid mais bouillant, noir mais blanc, et que chaque fois un chauffeur frustré, gras du cul, l’ego torché speck and span, a la faiblesse de me klaxonner, ou crier de ne pas être là comme je le suis ou quoi que ce soit, ce qui revient au même, je l’attendais, et ça soulage, des petits orgasmes, aussi vif que, quand le chien percute, le projectile t’atteint, je crie, fort, sur un ton souvent dont la méchanceté cruelle, la malignité, la pourriture vicieuse, marécageuse, me surprend moi-même après-coup, quand j’y pense :

FUCK YOU, CRISSE

ou

VA DON’ CHIER, TABARNAQUE, OSTIE

ou

TA YEULE, OSTIE DE CRISSE

pis, si y en a un qui s’arrête et sort je descends tranquillement et j’ai un cadenas en U gros modèle avec moi, moi, c’est avec ça que je barre, mais – pas d’indice! – approche, touche pas mon punch, la surprise, ta chute, avec cet outil, qui l’aura cru, je vais t’éplucher des niveaux de conscience comme un oignon jusqu’au trognon, jeter ta peau, foutre à poil ta noix tendre et moite que je vais laisser libre à l’air en proie aux émanations rances, toxiques, de tout ce qui existe.


Aussi longtemps que tu n’as pas d’accident grave, ça n’est jamais arrivé qu’à d’autres. Et si jamais ça m’arrive, so what the freaking fuck fucking a freak – à chacun ses malheurs, dans la vie.



Sixième journée finie; restent six autres. Cette nuit, j’arrive en plein milieu de mon séjour ici. J’étais arrivé le matin à huit heures – fallait me présenter à l’heure, sans retard, sinon ils pouvaient me refuser; mon sac, inspecté, toutes mes affaires examinées, les poches ouvertes, mes poches fouillées, les souliers, les bas – pour être sûrs qu’on n’ait pas de provisions – manquait juste une fouille rectale; le matin du treizième jour, je peux déjeuner avec les autres, y a rien qui presse, je dois juste remettre ma literie, pour le lavage, nettoyer un peu – l’extérieur à texture plastique du matelas et de l’oreiller, la surface du bureau et de l’armoire faite en métal blanc peint beige mais vieux, écaillé aux coins, comme un casier d’école géant, exactement, et laver l’évier, le robinet, le miroir. Vider la poubelle – un concierge mettra le nouveau sac. Mettre ensuite les torchons utilisés dans le même conteneur que pour la literie, au bout du couloir des chambres, et porter un dernier regard sur tout, sur la chambre à nouveau dépersonnalisée, sèche, plate et inhabitée; dire byeYou get a bye! – et bonne chance, à ceux qui sont là quand tu pars, et sortir dehors. En plein centre-ville. St-Urbain et Prince-Arthur. Au centre de gravité, pour ainsi dire – ou à peu près – de la revente de drogue de Montréal. Du Québec, même! Ça pullule de maganés crasseux jusqu’aux yeux – des doux malheureux, la plupart; des gentils scraps, fuckés jeunes – qui se précipitent au téléphone le plus proche dès qu’ils ont réussi à quêter presque un autre vingt dollars, auront juste à insister, à prier leur gars assez, à gagner finalement encore en se faisant, engueuler, menacer, cracher dessus, pas grave! coin coin! free gamer! par le vendeur obligé quand même d’admettre que c’est ça, sa clientèle, sa business, pas le choix, le shift est fixe pis faut que tu passes le stock, et faut les éponger, les une et soixante-quinze, les deux, les deux et cinquante qui manquent de temps en temps, à se ramasser les poches pleines de paquets de change en plus, les culottes qui glissent avec le poids mais ta ceinture c’est pas une vraie, ça marche pas, mais il n’y a rien, absolument rien qui compte ou même qui entre dans la tête des crackés, parce qu’aucune considération ne peut plus adhérer suffisamment sur le tissu conscient de leur cerveau sauf la roche, sauf l’idée de la roche, la roche seule faut, la roche tout d’abord, next thing : rush! La roche, et puis après… – mais rien, après.

Rien, et jamais rien ne se passe, et c’est toujours après. Un présent continuel, et vide. Mais pas un vide calme et juste ennuyant : un vide qui pince en tirant, qui fait un creux au centre, comme pris dans une chambre hypobare, à basse pression aussi de vouloir-vivre, comme au cœur du vortex dans le ventre de l’aspirateur industriel père de tous les aspirateurs industriels.


J’aime ça, ici, c’est con, mais je me sens en sécurité. Comme le cliché. Exactement. Ou plutôt – protégé. Il y a du temps à passer et je m’y suis fait mentalement, donc pas de trouble, je fais ça, et j’aurai tout ce temps-là de passé clean, je sais pas si j’ai confiance pour ensuite, je veux pas trop me poser la question, j’ai bien peur, mais en attendant je me repose, je mange bien, pas de stress, on s’occupe de tout. Je fume ma cigarette régulière au fumoir; ça purge de l’envie. C’est au fumoir qu’on parle vraiment entre nous, au hasard de qui s’y trouve (à part ça, c’est silence recommandé, on n’est pas là pour socialiser). C’est là qu’on entend : « Pis, toi, c’est pourquoi que t’es là. » et : « C’est-tu la première fois que tu viens ici. » – Au début, moi, je demandais : « Pis, toi, t’es arrivé quand? » – Chaque matin, ou presque, un ou deux nouveaux arrivent, présentés à la ronde, et un ou deux qui partent, pour maintenir un groupe de quinze qui se transforme insensiblement. T’as le droit de partir quand tu veux, la porte est ouverte, mais si tu quittes avant la fin prévue, tu vas moisir sur la liste noire la prochaine fois, et si t’avais un ordre de la cour, bonne chance! Un des moniteurs – les moniteurs se relaient de jour en nuit en jour, toujours trois – m’a raconté qu’un jeune, une fois, s’était fait une corde avec des draps pour descendre comme dans les films par la fenêtre une nuit et pouvoir grimper après emplettes, incognito, mais n’avait pas pensé qu’il y avait peut-être des caméras dehors. Il avait passé aux nouvelles chez les moniteurs en direct et s’était fait remettre sa carte d’assurance-maladie dès son retour applaudi, c’était toute une performance quand même, et bonsoir et bon vent. Cent quatorze attendent; au suivant. Les junkies, les alcoolos, tu peux quasiment jamais rien faire avec ça.


Je vous le dis, vous êtes là, ici, comme les autres groupes avant vous, et la majorité, la très grosse majorité de ceux qui passent par ici rechutent en sortant, pis c’est pas long à part de ça,

Benoît nous dit ça – c’est pour nous sauver de nous faire trop facilement des belles illusions,

ceux qui tiennent le coup un bout de temps, qui finissent par s’en sortir, sont l’exception. L’exception!

L’exception.

Quand le moniteur a raconté l’excursion secrète ratée, il y avait une fille à côté – celle qui a l’air le moins épargné des six femmes ici – qui est restée complètement sans bouger, tout le long, ses mains maigres sur la table en fixant la télé allumée au fond de l’interminable salle.

La plus belle, en plus, sous la peau terne et les cicatrices. Ça fait pitié.

Honnêtement, puisqu’il le faut, je regarde le groupe et de loin je suis le plus scolarisé, personne d’autre n’a fait d’études là-dedans, et je suis le plus jeune, avec la fille hébétée; deux ou trois gars ont moins de trente-cinq ans à part moi, et j’ai l’impression aussi que je suis celui qui a eu la vie la plus facile, le moins de peines aussi. De loin. Point de vue classes sociales, je suis un parfait intrus ici. S’il y a une exception dans le lot, c’est bien moi,

faut que ce soit moi.


J’avais ma deuxième rencontre aujourd’hui – sur quatre, en tout – avec Benoît, mon intervenant attitré pour le séjour. Dans un petit bureau de l’autre corridor, en face de la salle de jeux, sans aucune décoration, rien d’autre qu’une lourde table, deux chaises et une petite lampe avec abat-jour. Tout blanc. Ou plutôt beige pâle, pâle. Ou blanc sale. Rien que la lampe sur la table. Absolument pas d’autres objets. Espace neutre. Espace vierge. À moi le pouvoir de descendre bas ou de fermer l’accès de la cale. Un suivi en psycho, c’est ça : un suivi. C’est pouvoir apprendre au perdu la direction de ses pas et sa façon de marcher en les lui laissant voir au moyen d’indications vagues, à condition qu’il accepte de ne pas se laisser conduire, mais de marcher devant, observé, tout entier scruté par le guide placé en retrait, derrière. J’ai vite compris que le plus simple, et le plus vain, le moins profitable, serait de me berner moi-même, de donner les meilleures réponses en arrivant presque à croire que je les pense pour vrai. Si on accepte l’idée qu’on a des problèmes psychologiques à régler, et si on ne croit pas qu’il est trop tard, et si la gueule du thérapeute ne fait pas gerber et qu’on lui fait confiance, ensuite il faut surmonter la gêne de dire, et pas juste ça, réussir aussi, volontairement, à relâcher le contrôle sur la situation, parce que, dès qu’on parle, c’est de la vidange qui atterrit, qu’on est poussé à essayer de prendre en charge – attendez, attendez! je peux nettoyer! – d’une manière ou d’une autre. Ça, je pense que j’ai pas de problème avec ça, par contre. Au contraire. Brain stormed with shit. La difficulté, quand on est là et qu’on l’accepte et qu’on veut parler, c’est de raconter la réalité : on se rend compte, en voulant être sincère, qu’on ne sait pas vraiment, plus vraiment, comment quoi que ce soit s’est passé, dès qu’on ouvre la bouche on s’en aperçoit – les souvenirs sont déformés par les raisons, toutes liées à des émotions, qu’on a eu de les entretenir au lieu de les laisser s’effacer comme la plupart de tout le reste – on invente à mesure que ça sort et c’est la confusion.


Le pire, c’est vraiment de savoir ce qui est arrivé pour vrai. Et dès que tu parles, ça s’inscrit au dossier.

Y a plein de choses dont tu peux être fier, déjà, dans ta vie.


Et puis? Comment ça se passe pour toi, jusqu’ici?


Benoît me demande. Je suis là. C’est déjà ça.

Je suis une exception. Je le sais. J’ai une voie qui est tracée, et c’est ça, je pense, qui me fait peur, c’est un devoir terrible, mais en même temps je n’ai pas peur, je suis comme excité. Je vais survivre et sortir ensanglanté de cette époque de ma vie, comme un gladiateur dans les livres.

Je dis ce qu’il faut. Je ne sais plus rien.

Benoît se fascine. Je le vois, à vue d’œil. Il me conseille des lectures. Il m’a même prêté un livre. Je sais que ça fait longtemps que ce n’est pas arrivé. Le premier titre qu’il m’a mentionné, je le connaissais. Le Chemin le moins fréquenté.

Je l’ai lu! Quelle surprise. En fait, je l’avais, dans mes bagages. J’étais en train de le lire. C’était un livre que ma mère avait donné à mon père, qui l’avait déjà feuilleté, tout au plus. Lis ça, qu’il m’avait dit, en regardant ailleurs, près de pleurer.


Ça va bien, Benoît. J’aime ça, ici.


La nuit, il faut laisser la fenêtre ouverte, il fait trop chaud, même avec le ventilateur prêté, un vieux modèle qui prend cinq minutes à trouver sa pleine vitesse, placé pour souffler directement sur le lit, avec moi dessus, pratiquement nu. Il y a des cris dans la rue jusqu’à deux heures avant l’aurore. La faune estivale nocturne qui déborde autour du boulevard St-Laurent.

Je suis arrivé fin août; quand je vais sortir, on sera au tiers de septembre déjà. Ce sont les dernières journées chaudes cet été qui me passent au nez, à l’extérieur. Ailleurs. Mon été est déjà mort. Embaumé. Empaqueté, et expédié, jusque dans un an. Bon voyage!

En sortant d’ici, j’ai de l’argent, dans mon compte, un paquet de rentré. Comment ne pas retirer quatre-vingt, acheter des cigarettes, téléphoner avec des vingt-cinq cents reçus au change, je connais encore le numéro par cœur, dur ou mou? du mou, trois fois. J’ai tout l’après-midi. On m’attendra.


J’ai le temps d’espérer encore être assez sevré. Six autres nuits; celle-là est presque déjà finie. Benoît m’a demandé si je rêvais. J’ai dit que non. J’ai rêvé une fois, hier, avant de me réveiller; j’ai aimé mieux ne pas en parler. J’ai déjà fait ce rêve-là, il me semble – mais avec les rêves, on ne peut jamais savoir : l’impression d’avoir déjà fait le même rêve peut faire partie du rêve. Carlson m’a déjà parlé de ça… Le déjà-vu. L’impression de déjà-vu, il me semble.

Je me suis dit que la meilleure idée serait de ne rien dire à Benoît d’Emmanuel Danger.


Quand le nerf me sort dans le dos d’entre les côtes, vois-tu, Benoît, quand je me laisse tomber noir de sang coagulé, les seuls moments où je ne sens plus mon cœur battre, Benoît, il y a quelqu’un, comme si c’était moi mais à l’envers, comme si je voyais à travers mes yeux fermés, comme dans un rêve, Benoît, et je lui ai même donné un nom! Imagine-toi! Et si je m’oublie trop longtemps je sais qu’un carnage va commencer. Un carnage, Benoît?

Va donc raconter ça.

Une avalanche d’intestins, de vomi, d’os brisés, de moelle, de lymphe et d’artères cassées net comme du fil à pêche. Dans mon rêve, Benoît, par exemple, Carlson comme souvent se dépasse et s’arrête pour me harceler, he’s going out of his way, il a du fun fou à me regarder rager comme une mouche pincée par les ailes, impuissant, ma haine trop bouillante me fait fondre les jambes, il m’agace avec une aiguille, un poteau de pylône taillé en pieu, sûr que je suis conscient, lentement mais sûrement, que je suis à la merci de sa cruauté ou de sa pitié, et c’est alors Benoît quand la dernière fente entre mes paupières soblitère et que tout soudain s’allume, phosphorescent, dans mon crâne comme un œil inversé, panoramique en 3D, trois cent soixante degrés au carré, qu’un bras fuse et Carlson est saisi par la tête, c’est une main énorme, noueuse, brune, la seule couleur sombre à l’écran magenta, vert lime, cyan, rose, indigo, jaune et lilas, le pouce écrase le milieu de son visage entre la lèvre supérieure et le nez tordu sous la pression, et la joue tendue qui découvre des molaires, et l’index et le majeur, je le sens, se rejoignent loin, derrière l’autre oreille, en passant l’un au-dessus et l’autre en-dessous de la protubérance occipitale et le regard borgne et blanc s’évase, il y a un crac, deux dents tombent sur sa langue enflée, sortie, et d’un grand élan sec lui fracasse toute la tête sur un coin de table

mais il n’y a pas d’éclaboussures, il n’y a rien, que du gris, des ombres, une tache de jour sur le côté, je ne peux plus cadrer, mais celui qui m’observe, accroupi, j’entends son rire, c’était lui, autour de moi, qui m’avertit : « C’est moi qui t’ai créé. »

C’est lui. C’est Emmanuel Danger.

Vaut mieux pas. Tu ne sauras rien et je te souris, Carlson, Benoît chéri, je vais tout ruiner.



Je descends tout droit au sud.





Tabarnaque d’ostie de câlice de crisse!





Fuck the girl;

kill the bugger.

Zigzague dans le trafic; clenche les touristes, pédales du mollet; relève les beaux culs, promets la mort aux mignonnes, et la honte aux lavettes;

comme Lucky Luke, à cheval, les yeux fermés, se roule une cigarette, en filant, sans les mains, je roule un bout de papier, flush dans le fond du nez, dans le fond d’un baggy : snif! dissimule tout en vitesse en gestes précis, pensés, surconscients – exécutés – ôte mes lunettes, les astique, les remets,

get the shit fuck out of my way.

hey!

look what

look out

j’arrive; i’ est où, l’ostie de party? –

C’est moi, le party.

Danse, danse, danse – tes cartilages se dissolvent, tes os s’effritent – t’as des poches de sang qui gonflent et tendent la peau de ton cœur irrité

Il n’y en a pas, de party.

Il n’y en a jamais eu, de party.

Les partys sont privés et t’es pas invité.


Fuck the girl; kill the bugger.

Don’t pick up a fight!

Fuck the girl.

Kill the fucking bugger.

DAMN!


Les très jolies filles deviennent connes parce qu’on leur sourit tout le temps sans jamais rien refuser, il faut les brutaliser, c’est bon pour leur intelligence, c’est bon pour la société.



Les petits génies nous promettent la réalité virtuelle et s’ingénient à tenir parole. J’ai fait un petit pas pour l’homme. À vivre enfermé, dans ma tête, sans artifice, j’ai réussi à m’enlever le besoin d’expériences du dehors. On peut aller loin, comme ça, sans bouger. Je finirais bien comme ça, dans les fantasmes, espoirs déformés, rêves recyclés, souvenirs mal menés, sauf que le corps me travaille.



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